Rencontre avec Sarah, Directrice Adjointe des Ateliers du Bocage đȘ
Ă lâoccasion du mois de l'Ăconomie Sociale et Solidaire, on a le plaisir de mettre Ă lâhonneur quelques-uns de nos partenaires liĂ©s Ă cette Ă©conomie⊠qui mĂ©ritent amplement plus de visibilitĂ© !
DerniĂšrement, nous vous prĂ©sentions UpCycle, le premier producteur français de composteurs Ă©lectromĂ©caniques ainsi que l'initiative OUAAA! qui cartographie les structures engagĂ©es du territoire de lâAunis.
Aujourd'hui, vous allez (re)dĂ©couvrir Les Ateliers du Bocage grĂące Ă notre Ă©change avec Sarah đ
Une partie de l'équipe des Ateliers du Bocage - crédit photo : Ateliers du Bocage
Trizzy : Bonjour Sarah, nous sommes trÚs heureux de pouvoir échanger avec toi ! Pour commencer, peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Sarah : Bonjour ! Je mâappelle Sarah Maisonneuve et je suis Directrice Adjointe des Ateliers du Bocage. Je suis en charge des activitĂ©s de reconditionnement de divers matĂ©riels numĂ©riques et informatiques (tĂ©lĂ©phone mobile, tablette, unitĂ© centrale, Ă©cran, PC, etc.) et de cartouches dâimpression.
Le fil rouge de ma carriĂšre a toujours Ă©tĂ© lâenvironnement. Jâai pu travailler sur diffĂ©rentes problĂ©matiques Ă©cologiques dans les secteurs de lâAgriculture, du BĂątiment et de lâIndustrie avant dâintĂ©grer les Ateliers du Bocage.
Trizzy : Plus concrĂštement, quel est ton rĂŽle au sein des Ateliers du Bocage ?
Sarah : Je mâoccupe de gĂ©rer les Ă©quipes du pĂŽle du reconditionnement des matĂ©riels numĂ©riques. Jâai pour mission de manager et de piloter lâactivitĂ© du reconditionnement en mâassurant que les objets entrent dans un processus dâĂ©conomie circulaire. Nous nous engageons ainsi Ă rĂ©duire lâimpact environnemental et social de ces produits en leur donnant une seconde vie.
Parmi les Ă©quipes que je gĂšre, on retrouve une Ă©quipe commerciale qui a pour mission dâaller prospecter les entreprises et les collectivitĂ©s en vue de rĂ©cupĂ©rer leur ancien matĂ©riel informatique usagĂ©. Je supervise Ă©galement trois Ă©quipes de production, qui sont quant Ă elles chargĂ©es de rĂ©parer, trier et reconditionner ou dĂ©manteler les produits, en fonction de leur Ă©tat.
Trizzy : Super projets ! Avant de revenir un peu plus en détails sur le reconditionnement, peux-tu nous présenter les Ateliers du Bocage ?
Sarah : Les Ateliers du Bocage sont une coopĂ©rative dâutilitĂ© sociale et environnementale situĂ©e dans les Deux-SĂšvres, au sud de Nantes. Cela fait plus de 30 ans que cette coopĂ©rative existe et nous sommes ravis de compter prĂšs de 200 salariĂ©s.
Les Ateliers du Bocage sont nĂ©s au sein du mouvement EmmaĂŒs en 1992. Nous en partageons pleinement les valeurs et sommes entiĂšrement investis dans ses engagements. Ainsi, nous expĂ©rimentons ensemble une grande diversitĂ© de projets grĂące au large rĂ©seau dâacteurs du mouvement.
Usine des Ateliers du Bocage - crédit photo : Ateliers du Bocage
Trizzy : Qu'entends-tu par âcoopĂ©rative dâutilitĂ© sociale et environnementaleâ ?
Sarah : Si nous prenons lâexemple des Ateliers du Bocage, nous sommes acteurs Ă la fois du social et de lâenvironnement. Nous sommes acteurs de toutes les transitions actuelles :
- la transition sociale, avec nos dispositifs d'insertion ;
- la transition environnementale, avec notre investissement dans lâĂ©conomie circulaire ;
- la transition numérique, en menant des actions liées à ce volet.
De plus, nous ne sommes pas une société avec une économie classique. Notre statut de coopérative nous permet en effet de distribuer nos profits, soit à nos salariés soit en interne pour développer les Ateliers du Bocage. Grùce à ces bénéfices, nous pouvons recruter plus de personnes par exemple.
Trizzy : Quel est votre principal objectif chez les Ateliers du Bocage ?
Sarah : Notre objectif premier est avant tout social. Nous crĂ©ons des emplois grĂące Ă nos diffĂ©rentes activitĂ©s pour accompagner les citoyens en difficultĂ©. Nous les aidons Ă entrer et rester durablement dans lâemploi.
Au sein de la coopĂ©rative, nous avons un volet humain trĂšs fort. GrĂące Ă un dispositif qui est lâInsertion, nous accompagnons les personnes prĂ©caires comme les chĂŽmeurs de longue durĂ©e Ă sâinsĂ©rer dans le monde du travail. Nous aidons Ă©galement les personnes handicapĂ©es grĂące Ă un second dispositif qui se nomme lâEntreprise AdaptĂ©e.
Trizzy : En quoi consiste votre dispositif d'Insertion ?
Sarah : Au sein du dispositif dâInsertion, les personnes sont embauchĂ©es chez nous en CDD pour une pĂ©riode minimale de 3 mois et jusquâĂ une pĂ©riode maximale de 2 ans. Pendant cette pĂ©riode, les individus ont non seulement un emploi stable et un salaire mais ils Ă©voluent Ă©galement dans un cadre bienveillant.
Nous proposons Ă ces personnes tout un accompagnement individuel pour les aider Ă retrouver le goĂ»t du travail mais aussi Ă se rĂ©adapter aux standards de lâemploi, comme arriver Ă lâheure par exemple. Il faut que ces personnes aient la volontĂ© de travailler et nous les accompagnons vers des activitĂ©s qui leurs correspondent tout en proposant un cadre de travail conciliant.
Entretien des espaces verts par des membres du dispositif d'Insertion - crédit photo : Ateliers du Bocage
Trizzy : Quels types d'actions faites-vous dans le cadre de votre accompagnement individuel ? As-tu quelques exemples ?
Sarah : Nous identifions avec chaque personne leurs freins et leurs problĂ©matiques pour les vaincre ensemble. Nous dĂ©veloppons tout un programme dâaccompagnement qui leur permet dâĂ©voluer dans de bonnes conditions. Nous les aidons par exemple Ă trouver un logement, refaire leur CV ou encore les former Ă la langue française. Nous leur donnons toutes les clĂ©s en main pour quâils puissent avoir confiance en eux et se tourner vers un projet professionnel qui leur plaĂźt.
Ces derniers mois, nous avons pris en charge plusieurs migrants qui ont fui leurs pays pour toutes les circonstances gĂ©opolitiques quâon connaĂźt. Ces personnes ont de rĂ©elles compĂ©tences et une envie de travailler forte mais ils ont souvent des freins pour ĂȘtre embauchĂ©s (absence de logement fixe, difficultĂ©s Ă sâexprimer en françaisâŠ). Nous les accompagnons ainsi Ă avoir les bagages nĂ©cessaires pour trouver un travail.
Trizzy : On admire votre engagement ! Ce dispositif d'Insertion est-il adapté à tous types de profils ?
Sarah : Notre dispositif dâInsertion ne convient pas Ă tous les profils. Nous avons donc crĂ©Ă© une Association dâInsertion pour accompagner les personnes qui sont vraiment Ă©loignĂ©es de lâemploi. Les Chantiers Peupins permettent ainsi de soutenir les personnes qui en ont le plus besoin, comme celles avec des addictions sĂ©vĂšres par exemple.
Les Chantiers Peupins - crédit photo : Ateliers du Bocage
Trizzy : Quelles activités professionnelles proposez-vous pour donner de l'emploi à prÚs de 200 personnes ?
Sarah : Pour mener Ă bien notre projet social, le dispositif dâInsertion se base sur une diversitĂ© dâactivitĂ©s. Nous avons des activitĂ©s dans lâentretien d'espaces verts naturels, la fabrication de palettes dans le milieu de la menuiserie industrielle, la collecte et la revente de livres dâoccasion ou encore dans le reconditionnement.
Nous essayons de toucher un public large grĂące Ă une gamme diversifiĂ©e d'activitĂ©s. La fabrication des palettes va sâadresser aux entreprises par exemple alors que la vente de nos produits reconditionnĂ©s peut ĂȘtre destinĂ©e aux particuliers.
Ă travers nos diffĂ©rentes actions professionnelles, nous crĂ©ons des emplois tout en nous engageant pour lâenvironnement. Nous avons par exemple une base de 300 000 livres dâoccasion collectĂ©s qui ont Ă©tĂ© remis en vente par nos soins. Concernant lâactivitĂ© des palettes, nous menons une action avec les menuiseries locales pour rĂ©cupĂ©rer les palettes usagĂ©es afin de les remettre en Ă©tat et de leur donner une seconde vie. Ce sont des processus de rĂ©emploi qui nous permettent de nous inscrire dans une dĂ©marche Ă©cologique et sociale impactante.
Trizzy : à propos du reconditionnement, quelle est votre démarche ?
Sarah : Nous collectons divers objets connectĂ©s et des cartouches dâimpression vides auprĂšs dâentreprises, de collectivitĂ©s et dâassociations. Nous avons Ă©galement des partenariats qui nous permettent de rĂ©cupĂ©rer les tĂ©lĂ©phones mobiles qui ne servent plus auprĂšs de particuliers.
AprĂšs avoir collectĂ© ces matĂ©riels, nous effectuons un tri et nous reconditionnons ce qui peut ĂȘtre remis sur le marchĂ©. Ce qui nâest pas rĂ©utilisable est envoyĂ© vers des recycleurs qui sâoccupent de dĂ©manteler les matĂ©riels pour rĂ©cupĂ©rer des matiĂšres intĂ©ressantes Ă retransformer.
De notre cĂŽtĂ©, nous effectuons plusieurs actions pour reconditionner le matĂ©riel avec en premier lieu l'effacement systĂ©matique des donnĂ©es de l'ancien.ne utilisateur.rice, puis nous vĂ©rifions sâil est fonctionnel (phase de diagnostic) avant de potentiellement le rĂ©parer (mise Ă niveau, changement de piĂšces, etc.).
En tant quâacteur du rĂ©emploi, notre rĂŽle est de donner une seconde vie Ă un maximum de matĂ©riels pour quâils puissent ĂȘtre rĂ©utilisĂ©s. GrĂące au pĂŽle du reconditionnement, nous crĂ©ons des postes pour accompagner les personnes en Insertion Ă remettre un pied dans le monde du travail.
Trizzy : Tu mentionnes des partenariats pour récupérer d'anciens téléphones portables. Organisez-vous souvent ce type d'action pour collecter du matériel ?
Sarah : Nous faisons rĂ©guliĂšrement des partenariats pour mener des projets positifs ! Notre action phare du moment se nomme lâEncroyable Collecte. Ce projet est au cĆur de toutes nos problĂ©matiques sociales et environnementales et est menĂ© en partenariat avec HP France !
Le principe est de proposer aux Ă©coles et collĂšges de collecter les cartouches dâencres des Ă©lĂšves et leur famille dans des boites que nous leur transmettons. Nous sommes partis du constat que plus de 80% des cartouches dâencre Ă©taient jetĂ©es Ă la poubelle alors quâelles pouvaient ĂȘtre rĂ©employĂ©es ou recyclĂ©es. Il y a une belle marge de progression mais, c'est aussi trĂšs facile d'agir.
Lorsque la box fournie Ă lâĂ©tablissement est pleine, elle est envoyĂ©e aux Ateliers du Bocage. Nous nous occupons de trier et nettoyer les cartouches puis HP (soit la majeure partie des cartouches rĂ©guliĂšrement collectĂ©es) en rĂ©cupĂšre pour en fabriquer de nouvelles ; les autres marques repartant dans notre processus habituel de rĂ©emploi ou recyclage. L'Encroyable Collecte permet de donner une seconde vie aux cartouches tout en sensibilisant les jeunes Ă l'importance du tri et en crĂ©ant une nouvelle fois des emplois chez nous.
Pour chaque boĂźte pleine envoyĂ©e, nous versons 25 euros Ă lâĂ©cole pour ses projets scolaires. Enfin, rappelons quâune cartouche collectĂ©e = une cartouche de moins dans la nature et des ressources naturelles prĂ©servĂ©es !
Trizzy : GĂ©nial ! As-tu dâautres projets similaires Ă nous partager ?
Sarah : Bien sûr ! Nous travaillons par exemple depuis 3/4 ans avec la BNP Paribas sur la fourniture de matériel solidaire et informatique pour des associations.
Nous collaborons également avec Orange sur un projet qui se passe en Afrique. Nous sommes partis du constat que peu de dispositifs de recyclage du matériel numérique étaient présents sur ce continent. Les téléphones portables finissent facilement dans la nature ou incinérés. Avec Orange, nous nous sommes alors engagés à récupérer des téléphones en fin de vie en Afrique pour les acheminer en France et les recycler dans de meilleures conditions.
Reconditionnement d'un téléphone mobile - crédit photo : Ateliers du Bocage
Trizzy : TrĂšs sympa ! OĂč peut-on retrouver le matĂ©riel reconditionnĂ© que vous proposez par exemple ?
Sarah : AprÚs avoir remis en état les objets, nous les vendons auprÚs de différents publics (entreprises, associations, particuliers) sur différents canaux :
- Dans nos 4 boutiques physiques qui proposent le matériel reconditionné à des particuliers
- Sur nos diffĂ©rents sites internet comme Label EmmaĂŒs ou des places de marchĂ© comme BackMarket.
- Sur la place de marchĂ© EmmaĂŒs qui propose du matĂ©riel de seconde main
- Sur devis pour des associations ou des entreprises qui souhaitent une plus grande quantité de matériel
- Ou alors via notre programme dâaccompagnement Solidatech
Trizzy : Quâest-ce que le programme dâaccompagnement Solidatech ?
Sarah : Dans cette volontĂ© dâĂȘtre acteur de lâinclusion numĂ©rique pour le secteur associatif, nous avons dĂ©veloppĂ© un programme dâaccompagnement qui se nomme Solidatech. Ă travers ce dispositif, nous vendons des logiciels Ă bas coĂ»t, des programmes personnalisĂ©s comme des formations au numĂ©rique mais aussi du matĂ©riel reconditionnĂ©. Un bagage complet pour permettre aux associations dâĂȘtre Ă la pointe du numĂ©rique, un domaine dĂ©sormais indispensable !
Programme d'accompagnement Solidatech - crédit photo : Ateliers du Bocage
Trizzy : Votre activité a de forts enjeux sociaux et environnementaux. Les Ateliers du Bocage sont-ils labellisés et/ou certifiés ?
Sarah : Nous sommes certifiĂ©s Service France Garantie sur notre service aprĂšs-vente. Câest une maniĂšre pour nous de mettre en avant nos services (commercialisation, production...) 100% français.
Câest une vraie valeur ajoutĂ©e pour nous diffĂ©rencier des modĂšles Ă©conomiques des reconditionneurs traditionnels. Nos matĂ©riels ne font pas 4 fois le tour du monde pour arriver dans les mains du client ! Ils sont sourcĂ©s et reconditionnĂ©s en France puis essentiellement vendus sur le territoire.
Tri de cartouches d'encre vides - crédit photo : Ateliers du bocage
Trizzy : Quels sont vos enjeux en ce moment chez les Ateliers du Bocage ?
Sarah : Nous avons un grand enjeu au niveau de la professionnalisation. Il y a 15 ans, le monde du dĂ©chet nâĂ©tait pas aussi concurrentiel quâaujourdâhui. Il Ă©tait majoritairement portĂ© par des entreprises de lâĂ©conomie sociale et solidaire comme les Ateliers du Bocage. De nos jours, le dĂ©chet est devenu une mine financiĂšre et les entreprises privĂ©es sâen sont emparĂ©es.
Nous avons alors comme mission de continuer Ă nous professionnaliser au maximum Cela passe en grande partie par la communication. Nous sommes une coopĂ©rative avec une vraie utilitĂ© qui touche lâemploi local, lâinsertion sociale et lâenvironnement. Seulement, nous perfectionnons notre communication pour ĂȘtre Ă la hauteur des belles actions que lâon entreprend.
L'un des 3 sites d'activités des Ateliers du Bocage - crédit photo : Ateliers du Bocage
Trizzy : On vous souhaite d'ĂȘtre connus par tous et toutes !
Avant de terminer, quels conseils donnerais-tu Ă un citoyen qui souhaiterait adopter un mode de vie plus responsable ?
Sarah : Je pense quâil y a un rĂ©el enjeu autour de la sobriĂ©tĂ© ! Nous devons tout d'abord nous questionner sur la façon dont on consomme pour comprendre ce qu'il y a Ă changer.
Pour consommer plus durablement, de nombreuses alternatives Ă©mergent comme la seconde main ou le reconditionnement. Ce sont des initiatives avec un rĂ©el avenir, qui mĂ©ritent que lâon sây attarde !
Nous vivons depuis les annĂ©es 50 une pĂ©riode qui a fortement assĂ©chĂ©e les ressources de la planĂšte. Nous ne pouvons plus sur-consommer comme on lâa fait ces derniĂšres annĂ©es. Il faut que chacun participe Ă son Ă©chelle pour remettre en question son mode de vie et ainsi le changer.
Trizzy : Pour finir, as-tu une initiative que tu apprécies particuliÚrement et que tu souhaiterais nous partager ?
Sarah : Tout Ă fait ! Jâai dĂ©couvert derniĂšrement le projet de La Cravate Solidaire. Câest une structure qui aide les personnes Ă passer des entretiens dâembauche. Ils vont accompagner les individus tant sur le cĂŽtĂ© de lâapparence physique que sur la prĂ©sentation orale. Ils fournissent par exemple des costumes (avec cravate, d'oĂč le nom "La Cravate Solidaire" !) pour que les personnes puissent ĂȘtre habillĂ©es convenablement lors d'entretiens. Ils travaillent aussi sur la maniĂšre de se prĂ©senter, la crĂ©ation de CV ou encore sur la façon de parler. Un beau projet qui aide les personnes en difficultĂ© Ă trouver du travail et reprendre confiance en eux !
Trizzy : Merci beaucoup Sarah pour le temps que tu nous as consacré !